Nicoprez, un président qui pèse.
Dans les coulisses du HBFC, les surnoms flatteurs ne manquent pas pour souligner la compétence du président Brauchli. Nanard pour les uns, en référence affectueuse à Bernard Tapie, Bébert pour les autres, en référence non moins affectueuse à Berlusconi, voilà à quel point les joueurs et supporters du HBFC admirent leur président. Il faut dire que Nicoprez aura mis à peine 19 ans pour hisser le club de son cœur au plus haut niveau. Des tours de passe-passe qui n’ont pas toujours fait l’unanimité, des manœuvres stratégiques parfois très risquées, mais comme il aime à le souligner, « dans le foot, il faut ce qu’il faut ». Et il est vrai qu’en 2001, en évinçant Marco de la présidence au bout de son 4è mandat, Nicoprez avait marqué les esprits. Certaines mauvaises langues parlaient à l’époque d’une présidence par défaut, Marco devant rejoindre en Allemagne sa femme et sa fille Alanis, mais Nicoprez aime remettre les pendules à l’heure : « Non, c’est tout simplement un putsch. J’ai regardé Marco droit dans les yeux, et je lui ai dit soit tu pars loin d’ici, soit c’est moi qui te dégage. Alors Marco a eu l’intelligence d’inventer un prétexte fallacieux en Allemagne et c’est tout à son honneur : on voit où on en est aujourd’hui ». Après ce putsch, Nicoprez n’a jamais rechigné à asseoir son autorité. Lorsqu’il a fallu virer la bande de Vincennois, même stratégie : il les a laissés s’user jusqu’à ce qu’ils soient dégoutés du foot et du club, au point pour certains de sombrer dans l’alcool. Lorsqu’il a fallu se séparer de Rani après ses bons et loyaux services, Nicoprez n’y est pas allé de main morte non plus : « J’ai pris mes responsabilités : j’ai attendu le dernier moment, puis j’ai laissé Gayo lui demander de partir. Derrière, Rani a connu la dépression et le chômage, c’est parfait, ça veut dire que j’ai tiré le maximum que je pouvais en tirer ». Des mots durs, certes, mais qui expliquent la réussite fulgurante du Prez. Même technique lorsque le Prez se faisait passer pour Docteur Nicolas et signait toutes les licences des joueurs : « Il ne faut pas oublier qu’un joueur de foot reste un joueur de foot, c’est-à-dire un ignare débile incapable de prendre un RDV chez le médecin. Alors comme j’avais quelques notions de médecine et de typographie, j’ai décidé de créer un tampon Docteur Nicolas avec un faux numéro SIRET. Comme ça, pour 2 fois moins cher, je leur signais leur licence et on était en règle ! ». Malin le Prez ! Dernier coup de maitre de sa part : son idée d’associer Polo et Ludo au coaching du club. « C’est bien simple », explique Nicoprez, « l’idée m’est venue un soir où Polo et Ludo ont évoqué cette hypothèse, après que Benj, Yannick, Raf, Wistit, Hugues, Ivara, Mathias et Malik eurent pris la décision de les associer en binôme. Là, je n’ai pas hésité, j’ai tout de suite dit ok les mecs ». Évidemment, cette façon de trancher dans le vif, ça ne s’improvise pas. Nicoprez nous explique sans détour sa méthode : « en fait, je m’entraine régulièrement avec mes petites amies, ça me permet de garder la main. Tantôt je romps avec Mia, je lui dis que tout est fini en continuant de coucher avec, tantôt je romps avec Mariane en continuant de vivre nuit et jour avec elle, et je répète ça en boucle. Et si un 3è ou un 4è petit cul se présente à moi, je n’hésite pas une seconde : je la séduis et lui fais des promesses afin de l’inclure dans mon projet. ».
Fort de ce statut de président indéboulonnable, Nicoprez se présente aux matches de son club avec tout le charisme qu’on lui connaît. « J’arrive systématiquement en retard », nous dit-il, « ça permet de montrer à tous ces cons qui c’est le patron ». « Puis je serre la main de ces crétins, je leur fais une blague ou 2, et je mets bien mes fringues en avant, pour ne pas qu’ils oublient ce que c’est que la classe internationale… surtout Wistit avec ses costards trop larges, ah ah ! ». Il faut dire qu’à ce niveau-là, samedi dernier, le Prez avait fait fort : une nouvelle paire de mocassins à 560€, gris taupe nubuck inversé à croûte rétro-brossée, semelle croco en daim, surmontée d’un petit pompon saumon en soie et de lacets jaune poussin. Une petite touche de fantaisie dans les lacets afin de rappeler également à ses joueurs qu’il n’en reste pas moins accessible malgré son ascension sociale, sa réussite footballistique et son succès avec les femmes. Mais cette année, pour asseoir son autorité, Nicoprez est allé encore plus loin : « J’ai décidé d’avoir mal au psoas ! ». Une décision surprenante, quand on connaît son amour pour le ballon rond… « Cette décision, je l’ai prise en mon âme et conscience. Chaque mercredi, je choisis de tirer trop fort ou d’accélérer trop vite, comme ça j’ai une petite douleur, et le samedi je déclare forfait ». Il est vrai qu’en restant sur la touche à contrôler tout le monde, claquer des bises, faire des petites blagues à chacun, Nicoprez garde une emprise totale sur ses hommes, et c’est bien là l’essentiel. A tel point d’ailleurs qu’il en oublie parfois de regarder le match de ses joueurs. Quand on demande au Prez ce qu’il a préféré en 1ère mi-temps, il s’obstine à valoriser la 28ème minute du HBFC, oubliant qu’il y avait eu aussi 44 autres minutes de bonne facture. Car pendant que le Prez donnait des petites tapes sur le cul de Marco en guise de domination, rappelait à Gayo qu’il était une nouvelle fois assis comme une merde sur le banc ou encore claquait les talons de ses mocassins devant Alanis pour mieux se mettre en valeur, les joueurs du HBFC se démenaient comme de beaux diables sur le terrain. En effet, on voyait tout de suite les assauts répétés de Polo, Hugues, Benj et Mathias, entrecoupés des sorties autoritaires en défense d’Arthur et Arno. D’une façon globale, le HBFC subissait plutôt la domination adverse. Il faut dire qu’une passe de Dadou à l’attaquant adverse avait plongé les joueurs du H dans un léger doute. Mais le rideau Arthur-Arno, aidé du revenant et très remuant Wistit, finissaient par rassurer tout le monde. Après les assauts adverses toujours contenus venaient les phases de contres placés et très organisés du HBFC. Cela partait souvent d’un ballon récupéré rageusement de la tête par Polo, ou d’un tacle appuyé par Hugues ou Wist. Et cela se finissait aussi souvent par de bonnes combinaisons au milieu, de bons décalages sur les ailes sur Benj ou Momo, avant un centre ou une frappe fort intéressants. Et c’est sur ce schéma que cela payait une 1ère fois. Momo parachevant une belle action par un décalage sur Mathias, qui centrait à l’entrée de la surface, avant que Ludo n’envoie une reprise de volée à 100 à l’heure sur l’intérieur de la transversale, finissant par rebondir derrière la ligne. Vu la nullité de l’arbitre et la rapidité du geste, on était rassurés de voir l’arbitre accorder le but et voir lui aussi le ballon passer la ligne (avant de ressortir façon gamelle de baby-foot).
Ce 1er but faisait très mal aux visiteurs, qui voyaient ce schéma se répéter. Même récupération de ballon à l’arrière pour faire avorter une action adverse, même jeu de passe au milieu, même décalage à gauche, sauf que cette fois c’est Momo qui finissait l’action. Sur le banc, Nicoprez ne manquait pas de hurler à ses joueurs : « Yes Momo ! C’est mon poulain qui a marqué ! J’ai toujours dit qu’il ferait la diff’ au HBFC ! » Un Nicoprez visionnaire dans ses choix, donc, mais également très malin puisque le transfert de Momo s’est effectué pour zéro euro, sous forme de prêt contre son I phone blanc (qu’il a déclaré volé par ailleurs et qu’il se fera remboursé par l’assurance du club…). Ce 2-0 allait marquer les esprits et enfoncer nos adversaires. Mais sur un ballon rejoué rapidement en touche, l’attaquant adverse finissait par se retrouver seul au 2ème poteau et fusillait Dadou d’une demi-volée imparable en lucarne. Le but était beau, les remplaçants du HBFC auraient pu se réjouir d’un tel spectacle, mais Nicoprez était là pour ramener tout le monde dans le droit chemin : « Du calme les mecs, rasseyez-vous ! On n’a qu’un seul but d’écart, j’aurai l’air de quoi s’ils égalisent alors que je viens d’encenser Momo ??? ». Un rappel à l’ordre très vite assimilé par les hommes de Nicoprez, puisque dans la foulée Mathias marquait son 1er but, lui qui avait déjà délivré un caviar à Ludo et failli faire mouche à plusieurs reprises.
Le score en restait là pour cette 1ère mi-temps. Nicoprez ordonnait à Gayo d’aller chercher de l’eau, « dans le seul but », disait-il, « de resserrer les liens entre joueurs potents et impotents ». Après 2 ou 3 blagues racistes sur Ebola, pas toujours comprises de ses joueurs, Nicoprez ordonnait à l’arbitre de débuter la 2nde mi-temps afin de ne pas finir trop tard et de pouvoir aller passer la soirée avec Mariane, avec qui il venait de rompre par texto pour la 2ème fois de la semaine. L’arbitre ne bronchait pas et sifflait le début de la 2nde mi-temps. Un début poussif, où l’on voyait à nouveau les joueurs du HBFC procéder par contres. Toujours ces bons ballons récupérés de la tête par Arno et Arthur, ces bons tacles de Hugues et Wistit, ces belles courses salvatrices de Arthur et Cris. Mais rien de bien passionnant ceci dit. Nicoprez y allait donc de ses consignes : « Avec 2 buts d’écart Ludo, tu peux peut-être faire rentrer Gayo et Marco, ça leur fera plaisir les pauvres ». Ludo n’osait pas dire au Prez qu’ils étaient déjà sur le terrain depuis 10 bonnes minutes, et faisait même mine de s’exécuter afin de préserver les nerfs d’un président un peu stressé. Et en effet, les choses allaient changer mais pas forcément dans le bon sens au début. On voyait d’abord cette barre de Momo, que Gayo trop avancé n’arrivait pas à reprendre dans le but vide, et qui valait à Nicoprez de se lâcher : « Il fait chier ce connard de Gayo, Ludo sors-le, il nique l’action de mon poulain Momo ! ». Puis c’était au tour de Dadou de se déconcentrer en envoyant une balle de la main pile entre Gayo et Wistit, c’est-à-dire pile sur l’attaquant adverse. Wistit trop éloigné, Gayo trop lent n’avait d’autres solutions que de faire faute. Un coup-franc quelque peu rocambolesque, puisque l’attaquant adverse le propulsait en pleine lucarne, avant que Man Wai ne lève le drapeau et que l’arbitre finisse par annuler ce but… motif : le joueur sur la ligne de Dadou et qui avait vu le ballon passer au-dessus de lui était hors-jeu ! Un hors-jeu évidemment passif, qui ne méritait pas vraiment d’être sifflé, mais que Nicoprez se réjouissait de voir sifflé : « Qu’est-ce qu’il foutait-là aussi ce con d’attaquant ??? A la place de l’arbitre, je lui aurais mis un jaune ! », s’emportait le Prez. Une remarque qui laissait tout le monde pantois. Ce but refusé marquera un tournant dans ce match, car à 3-2 à 20 minutes de la fin, les choses se seraient corsées. Au lieu de ça, Wistit, Hugues, Gayo et Polo combinaient sur le côté droit, avant que Gayo ne lance Polo dans la profondeur, qui partait à toutes enjambées délivrer un centre à Mathias, qui préférait contrôler, esquiver le dernier défenseur puis fusiller le gardien au ras du poteau. A 4-1, on pouvait se dire que la messe était dite. Car les rouges et noirs continuaient de dérouler : une frappe de Marco sur une passe de Gayo, juste au-dessus de la lucarne, puis un lob mal ajusté par Mathias et qui passera juste à côté, ou encore ce tir de Mathias lui aussi mal ajusté de très très peu. Malgré tout, c’est quand même les visiteurs qui obtenaient le dernier mot, en marquant ce 4ème but une nouvelle fois sur coup de pied arrêté : une sortie hasardeuse de Dadou, avant une petite pichenette dans le but vide. Ce but du dernier espoir restait fort heureusement sans espoir. 4-2 restait le score définitif et faisait le bonheur de Nicoprez. Après avoir contraint la Ligue de rattraper leur bourde de la feuille de match sous peine de faire sauter leur siège social, et après avoir su tirer le meilleur de ses joueurs, le Prez pouvait se gargariser d’occuper la 2ème place du championnat. Il adressait un petit mot taquin à l’égard de Marco : « C’est pas avec ton équipe de tocards de 1997-1998 qu’on serait 2èmes aujourd’hui ! ». Marco ayant le dos tourné et n’ayant pas entendu la vanne, Nicoprez pouvait se mettre à rire à gorge déployée sans risque pour son intégrité physique. Beau joueur, il allait même voir l’arbitre pour le remercier d’avoir su annuler ce but sur coup-franc, une annulation improbable que même le Prez n’aurait peut-être pas aussi bien réussie. Enfin, malgré son opération récente de la myopie soi-disant réussie, le Prez félicitait Guillou pour sa prestation, ses tirs bien appuyés et sa vision du jeu, n’ayant pas vu qu’il occupait une place de supporter en raison de sa blessure à l’épaule. Circonspect, Guillou préférait s’en remettre à une danse imitation Cloclo pour faire diversion et éviter d’avoir à expliquer au Prez son erreur.
Les joueurs du H pouvaient se mettre en route pour Gudule, boire quelques bières en souvenir de tout ce temps passé dans ce rade mais surtout en l’honneur de cette victoire bien méritée. Nicoprez, lui, préférait faire comme pour les matches officiels : se retirer et laisser la place aux « artistes », comme il aime qualifier ses joueurs quand il veut les flatter. Nicoprez, couché très tôt en ce samedi soir, se réveillait dans une forme « olympique » le dimanche, arrivait chez Benj pour faire des travaux avec la banane, peignant les murs en crampons-short noir-maillot rouge, et se rendait ensuite chez Ludo voir l’Olympico le sac chargé de blagues. Il distribuait des blagues à tout le monde, ricanait, faisait boutade sur boutade, laissant tout son entourage un peu perplexe. Mais il est comme ça le Prez : on ne le comprend pas toujours, mais comme il le dit si bien, « moi, j’me comprends ! »