En ce lendemain de 1er mai, on peut dire que le HBFC avait mis un point d’honneur à respecter les droits du travailleur. En réponse à l’appel de la CGT, de FO, de la FDTQ, du SGUR et de la SMECTA, la majorité des joueurs avaient décidé de faire grève en posant les jours de RTT ou d’arrêt maladie que le patronat lui devait (article 3 du code du travail du foot). C’est donc tout naturellement que les camarades Bernard Cuchet, Jean-Louis Cadier, Thierry Abautret, Patrick Remy, Raymond Kapo (à ne pas confondre avec Kopa), Roland Hélain et Jean-Jacques Hayet préféraient déclarer forfait et s’unir autour d’un verre de pastis dans le sud pour préparer leur prochaine grève. Quant aux camarades Hervé Torrès, Jean-Michel Beausoleil, Jean-Marc Calbano, Jean-Paul Palhec et Roger Glaszman, ils avaient quant à eux décidé de profiter de jours d’arrêt maladie. Ils laissaient donc une équipe du HBFC largement remaniée, quelque peu étonnante dans sa composition, mais bon c’est comme ça. Hormis les 6 travailleurs clandestins sans papiers (Rachid, Aymerick, Paul, Michael, Karim, Thibault), on pouvait dénombrer 8 travailleurs contractuels, parmi lesquels il fallait tout de même compter 2 pré-retraités (Dadou, Gayo) et 3 intermittents (Gilou, Man Wai, Wistit). Finalement, on pouvait compter seulement 3 cadres dans ce groupe de travailleurs : Polo, Malick, Ivara. Ça faisait peu, mais pourquoi pas. La revendication sociale est faite de rêves, et après tout, on est tous égaux !
Comme prévu par l’article 12 du code du travail du foot, l’arrivée aux vestiaires se faisait pour beaucoup avec 30 minutes de retard (retard réglementaire). Comme dirait Mélenchon, « Et alors bordel ! On y a droit ! ». Argument incontestable. Ne pas en profiter constituerait une régression sociale. Après un discours galvanisant du délégué du personnel Malick, une répartition des tâches par le chef syndical Hervé Torrès, les joueurs du HBFC commençaient le match. On voyait 2O premières minutes de bonne facture. Un contrôle des opérations, une discipline, une rigueur défensive, un verrouillage de la charnière Thibault-Malick. De bons débordements des arrières Ivara et Wistit. C’est d’ailleurs sur un débordement d’Ivara à droite que Polo obtenait un corner. Un corner qu’il se chargeait de tirer. Le ballon lui revenait et il décidait de temporiser, fixer et centrer à nouveau, loin au 2è poteau. Le gardien lobé laissait l’intermittent Man Wai libre de tout marquage, au 2è poteau et demi. Man Wai parvenait à redresser le cuir de la tête. Imparable. Nul doute que l’intermittent Man Wai en profitera pour renégocier son contrat à la hausse. Le match reprenait de la même manière, avec un certain contrôle du HBFC. Mais à l’approche de la 20è minute, en réponse à l’appel de la CGT, le HBFC estimait que les 25 dernières minutes constituaient un dépassement du temps de travail et décidait de les boycotter. On voyait donc le HBFC reculer. Le pré-retraité Gayo était aux abois. Les intermittents Gilou et Man Wai n’arrivaient plus à être efficaces au milieu. Un milieu de terrain que seul le travailleur clandestin vieillissant Michael devait contrôler… ce qui était difficile forcément. Derrière, les tauliers Malick-Thibault étaient assaillis. Le règlement du hors-jeu les sauvait quelques fois. Mais ce règlement avait ses limites et un hors-jeu non signalé laissait l’attaquant adverse filer au but et ajuster le pré-retraité Dadou. 1-1. Un pré-retraité qui n’était malgré tout pas si vieux, car il sauvait le HBFC par 2 fois, de façon assez miraculeuse. Un gros raté de Gayo hors de forme empêchait le 2è but du HBFC. Imité par les travailleurs clandestins Paul, Aymerick et Rachid, entrés en jeu avec beaucoup d’abnégation, de volonté, mais aussi d’approximations. Finalement, à 15 secondes de la fin du temps réglementaire, sur un corner adverse tiré directement aux cages, sans danger particulier, le pré-retraité Dadou décidait d’écarter les bras et de laisser le cuir entrer dans les bois. 1-2. Dadou expliquait plus tard qu’il n’était pas prévu dans son contrat de jouer les arrêts de jeu, et donc qu’il avait le droit de ne plus garder les buts, de se trouer et de laisser le ballon entrer. Un droit non discutable, mais ça faisait 2-1 contre le HBFC, c’était dur.
Mi-temps réglementaire. Repos des ouvriers. Discours des délégués du personnel Malick et Polo.
La 2è mi-temps reprenait exactement comme la 1ère avait fini. Mais cette fois, les ouvriers du HBFC avaient décidé d’inverser leur stratégie syndicale : soucieux de ne pas faire d’heure sup’, les ouvriers chômaient les 20 premières minutes, accomplissaient le minimum syndical, et reprenaient le travail lors des 25 dernières minutes. C’est donc avec un faux rythme sans saveur que l’on voyait l’adversaire mettre la pression sur la défense du HBFC dans cette 1ère moitié de mi-temps. Les ouvriers Malick-Thibault repoussaient inlassablement les assauts, imités par un Karim hermétique. C’est alors qu’une fois de plus, le règlement du hors-jeu atteignait ses limites et se montrait impitoyable avec la défense rouge et noir : un malentendu d’alignement permettait au 9 adverse de filer face à Dadou. Un plat du pied touché par Dadou finissait tout de même au fond des filets. 1-3. Score plus que délicat. C’est à ce moment que l’ouvrier Ivara décidait de faire sa révolution syndicale : pourtant ni blessé ni fatigué, il demandait le changement. Motif : désaccord avec le patronat du jeu du HBFC. Ivara reprochait en effet que le jeu porte inlassablement à gauche, alors qu’il aurait voulu que ça joue de son côté, à droite. En même temps, des ouvriers syndiqués qui jouent à gauche, quoi de plus logique non ? Mais on pouvait comprendre qu’en temps de crise, certains syndiqués se posent des questions et veuillent changer de couleur politique. Finalement, un accord était trouvé et Ivara reprenait son rang à droite, avec parfois même des ballons qui lui étaient distribués à l’extrême droite. Plus tard, l’ouvrier clandestin Aymerick demandait un droit d’asile sur le banc du HBFC, motif : douleur à la cuisse. Le délégué Hervé Torrès lui accordait ce droit sans souci (au HBFC, le droit des travailleurs prime sur tout). Le pré-retraité Gayo retournait donc sur le champ sur-le-champ (bizarre cette phrase). Il restait 25 minutes, c’était le moment voté par les syndicats pour se remettre au travail. Ça commençait fort, avec le clandestin Paul et le pré-retraité Gayo, partis à la limite du hors-jeu, qui se présentaient seuls face au gardien. Avec un décalage pourtant possible et facile sur sa gauche, avec des cages totalement désertées par un gardien sorti à contretemps, Paul décidait inexplicablement de lober le gardien sans conviction (???). Un lob qui finissait à côté des cages… incroyable loupé. Le score en restait là mais Thibault monté aux avant-postes allait lancer les dernières hostilités. Des allers-retours incessants qui permettaient des décalages, des percées, des centres ou des tirs. Michael s’essayait à la frappe, au-dessus. Gilou plaçait une tête rageuse à gauche des filets. Thibault tentait sa chance dans la surface. En vain. Enfin, sur un énième corner, Thibault héritait du ballon dans les pieds, seul au 2è poteau. Un 1er tir repoussé, et enfin une seconde chance qui lui permettait de pousser du bout du pied le ballon au ras du poteau. 2-3. Il restait 3 minutes et le HBFC allait se créer ces fameuses occasions de 3-3. Avec un adversaire déboussolé qui commençait à craindre le pire. On voyait ce hors-jeu injustement sifflé contre Paul qui partait seul aux buts, sur une tête déviée du pré-retraité Gayo. Ça méritait mieux. Et encore ce fameux Thibault, peu avare en efforts, trouvé par les longs ballons de Malick et qui offrait des centres qui ne trouvaient personne, notamment ce dernier centre tendu au 2è poteau… où il n’y avait personne… dommage, un centre pourtant parfait, les ouvriers du H ayant préféré migrer au 1er poteau. Le HBFC avait laissé passer sa chance, le score en restait là.
Les ouvriers du HBFC, heureux d’avoir fini leur temps de travail, nourrissaient malgré tout quelques regrets. L’esprit de camaraderie cher aux syndicats avait pris un coup dans la tête, pour preuve : ce boycott de l’Abribus et tous ces joueurs partis à la sauvette en fin de match, sans même le poing levé. Il est vrai que c’était rageant, nul doute qu’avec une équipe de travailleurs au grand complet, l’adversaire serait rentré aux vestiaires tête basse avec 5 pions dans la musette.
Peu importe, comme dirait Georges Marchais, « espérons que les joueurs du H reprendront le chemin de Louis Lumière mercredi prochain et aligneront une belle équipe de travailleurs au prochain match ». PCF (Pas Con Finalement).