Après 20 ans d’existence et de pratique au plus haut niveau, le HBFC devait cet été se faire une raison et accepter son triste sort : mourir.
Mais parce que le H restera toujours le H, il ne pouvait pas en être ainsi sans renoncer d’abdiquer encore un peu, sans se battre une dernière fois pour un énième et ultime second souffle. Et c’est ce qu’il a fini par faire en fusionnant avec l’AS 116, club en tout point similaire au H à la différence près qu’il joue en division supérieure et a gardé ses structures pour y rester.
Après d’intenses négociations entre le très charismatique Nicoprez et Nando, fidèle dirigeant de 116, un accord finissait par être trouvé mi-août et la presse pouvait officialiser la nouvelle : le H allait pouvoir ressusciter en intégrant 116. Fidèle à sa réputation, Nicoprez s’affichait un peu partout dans les médias avec son nouveau maillot vert, clamant haut et fort que « non, il ne retournait pas sa veste, au contraire », et que « oui, son cœur avait toujours battu Vert et Blanc », s’inventant pour l’occasion une passion pour St-Etienne et des souvenirs à Geoffroy-Guichard histoire d’être un peu plus crédible, et versant même un petite larmichette au moment d’évoquer les poteaux carrés. Son nouveau maillot vert floqué « Nicoprez 116 » sur le dos, il allait voir les joueurs de l’AS 116 un à un pour leur serrer une chaude poignée de main, assurant à chacun qu’il serait pour eux le meilleur président que 116 n’avait jamais eu, ponctuant à chaque fois dans un rire bien gras : « la preuve, Nicoprez, ça rime avec 116, ah ah ah ! ». Quand il voyait que Gus lorgnait avec étonnement sur ses sandales de cuir marron, Nicoprez ne pouvait s’empêcher de dire tout le bien qu’il pensait des nu-pieds de chez André, « bien plus confortables et plus ergonomiques que les tongues Havaianas » selon lui. Face à la moue dubitative de Cyl, Nicoprez enchainait en racontant ses problèmes de psoas, mettant toute l’équipe de 116 en garde quant à ce qu’il considère comme le « fléau du football moderne du 21è siècle ». Après une dernière poignée de main à Nando lui confirmant qu’il lui gardait toute sa confiance, Nicoprez promettait à chacun qu’il serait un président de terrain, présent, disponible et toujours là pour veiller sur la vie du club. Malheureusement, il ne fallait pas attendre plus tard que le mercredi suivant pour voir le Prez renoncer à l’entrainement, « à titre exceptionnel ».
Fidèle à sa réputation de président consciencieux, le Prez voulait quand même savoir comment s’était passé l’entrainement. Il profitait des pauses clopes qu’Axa lui octroyait tous les quarts d’heure pour passer des coups de fil à ses petits protégés, et savoir si la mayonnaise prenait bien avec 116. Il commençait par appeler Yannick, qui lui répondait que « l’entrainement était merdique, et que 116 était une équipe de peintres, de trous du cul et de pédés ! ». Etonné d’un tel ressenti, Nicoprez se rappelait soudain que Yannick était parti vivre à Marseille, qu’il n’avait jamais vu 116 de sa vie, encore moins leurs entrainements, et que ses nerfs venaient probablement de faire une rechute. Laissant Yannick à son syndrome de la Tourette, Nicoprez préférait alors appeler Guillou pour un avis un peu plus constructif. Comme à son habitude, Guillou décrochait son téléphone en lui chantant « Le téléphone pleure ». Le Prez attendait la fin du 3è couplet et pouvait ensuite lui demander ce qu’il avait pensé de ce 1er entrainement et de ses nouveaux coéquipiers. Guillou lui rétorquait alors : « ah je sais pas ça Nico, je peux pas te dire, j’ai regardé que moi à l’entrainement. D’ailleurs je me suis trouvé pas mal du tout si tu veux mon avis. ». Conscient qu’il n’aurait pas plus d’infos que ça, le Prez prenait la sage décision d’appeler l’Esspert pour un peu plus d’objectivité. Et il n’allait pas être déçu. L’Esspert avait fait une fiche détaillée sur chaque joueur, notant les stats une à une. Il annonçait à Nicoprez : « Y a qu’un qu’un qu’il est super fort c’est Gus : 77% de passes réussies, 7 tirs aux buts dont 5 cadrés. Sinon y a aussi qu’un qu’un que j’ai noté des bons statistiques c’est celui qu’il est chauve et qu’il a le maillot à Maradona : 92% de passes réussies, 8 tirs cadrés. Et aussi qu’un qu’un qu’il va super très vite, c’est Ilyès : 80% de débordements réussis, 7 reins cassés, par contre 87% de tirs du pointu, ça c’est moins bon ! ». Toujours plus à l’aise avec les chiffres qu’avec les mots, l’Esspert donnait là de précieuses infos à Nicoprez, qu’il s’empresserait d’apprendre par cœur et de ressortir au Brio pour prouver à tous qu’il est un bon président.
Sa pause clope toujours pas terminée chez Axa, Nicoprez continuait de passer ses appels. Il appelait alors Gayo, même s’il se doutait bien qu’il n’aurait pas un avis des plus connaisseurs et des plus techniques. Comme prévu, Gayo délaissait le terrain du football et se contentait de critiquer les joueurs de 116 pour leur « manque d’humour ». Et Gayo de préciser : « à un moment, j’ai dit à Nando : te laisse pas faire, Nando !... en référence à son patronyme ibérique, et il a même pas rigolé ! Alors j’ai attendu un peu et quand il est sorti parce qu’il était fatigué, je lui ai dit « peut-être que tu manques de fer, Nando ?... Et il a toujours pas capté ! ». Faisant semblant de compatir, Nicoprez ne savait pas comment raccrocher, surtout que Gayo lui racontait une nouvelle anecdote : « Et puis à un moment, il y a le petit Gus pas mauvais du tout qui a fait une super frappe. J’avais préparé ma blague depuis un moment alors j’en ai profité pour lui lancer : « Hey avec toi, c’est comme avec Gus Van Sant, c’est toujours bien cadré ! Et il a pas pigé non plus… ». Entendant Nicoprez faire semblant de rire aux éclats pour lui faire plaisir, Gayo se sentait pousser des ailes et demandait à son prez : « Je veux bien que je sois pas au niveau physique et technique et que je vais devoir faire des efforts, ok Nico, ok, mais en contrepartie il faudrait que eux aussi se mettent au niveau de mes blagues ! Dans la vie c’est donnant-donnant, ou Fifty-Fifty si tu préfères, RIP Giorgio… ». Sur ce dernier trait d’esprit, Nicoprez raccrochait enfin et continuait son tour d’horizon des joueurs du H. Il décidait alors d’appeler Hugo. Ce dernier décrochait dans une rage folle, lui lisant d’emblée le SMS qu’il venait d’écrire sans même dire « allo ». Discipliné, le Prez écoutait sans broncher. Il apprenait à la lecture de ce SMS que Hugo n’avait jamais été mis au courant de tous les échanges avec Nando, qu’il avait été black-listé dès le départ dans ce club, qu’il avait fait 1 heure de scoot pour se rendre à l’entrainement mercredi sans jamais trouver le stade, que personne n’avait décroché à ses appels, qu’il était rentré chez lui bredouille et que ça confirmait le complot qui était organisé contre lui, « la conspiration acharnée dont il était victime depuis 1 mois ». Pacifique, Nicoprez lui répondait qu’il devait s’agir d’un malentendu. Mais Hugo se remettait dans une rage folle. Il lui disait qu’il était allé voir sur Youtube plein de vidéos sur la théorie du complot et que ça confirmait ses craintes sur 116 et Nando. Que de la même façon que, je cite, « le 11 septembre n’a jamais existé et a été organisé par Bush », que « les attentats du 13 novembre sont l’œuvre de François Hollande et Ségolène Royal », que « Dalida était un homme » et que « Jay Jay Okocha a toujours eu 20 ans de plus que son âge officiel », « le club AS 116 ment, il organise une cabale contre lui dans le but de tuer le H de l’intérieur, sans que personne ne s’aperçoive de rien ». Nicoprez tentait de calmer le jeu mais Hugo repartait de plus belle : « Mais Nico ouvre les yeux putain ! ça te semble pas bizarre qu’un footballeur appelé Glassmann soit encore une fois au cœur d’une vive polémique et victime d’une totale injustice ??? C’est un complot je te dis ! Je suis black-listé ! Le mec veut me tuer pour mieux tuer le H. Il sait que c’est moi qui ai ramené tous les montpelliérains au H il y a 6 ans, il sait que sans moi le club serait mort à l’époque, alors il veut me tuer je te dis ! ». Désireux d’améliorer les choses, Nicoprez avait alors l’idée d’inviter Hugo au tournoi de l’AS 116 qui avait lieu en Normandie le week-end suivant : « Hugo, la preuve que tu n’es pas black-listé, tu es invité au tournoi de 116 : tu as RDV avec tout le monde à 12h30 à Quiberville pour un pique-nique sur la plage, s’ensuivront un entrainement sur pelouse, un apéro-resto, et enfin un gros match amical le lendemain à Saint-Jacques sur Darnétal, où tu seras titulaire ! ». N’en croyant pas ses oreilles, Hugo hésitait entre joie et méfiance : « ça veut dire que je suis pas black-listé ??? Bon alors ok ! C’est à 200 km d’ici mais c’est pas grave, je vais y aller en scooter pour leur faire la surprise sur la plage ! ». Content d’avoir arrangé les choses, Nicoprez raccrochait le cœur soulagé. Il ne saura que 4 jours plus tard que le tournoi avait finalement été annulé, que Hugo avait patienté toute la journée sur la plage avec son scooter, que le sable avait même serré le moteur, qu’il avait dû manger seul au restaurant « La Crabasse » de Quiberville à 19h, avant de se rendre compte à 22 heures au moment de commander le Banana Split compris dans sa formule Gourmande que le match amical n’aurait pas lieu, et qu’il allait devoir rentrer sur Paris en nationale pour éviter les péages (dès qu’il aurait réparé son moteur bien entendu). Pas sûr que tout ça arrange la théorie du complot…
Quoiqu’il en soit, le Prez préférait arrêter là ses coups de fil. Il se promettait de venir voir par lui-même ce que donnerait le prochain entrainement, histoire aussi de montrer à tous qu’il était un homme de parole et de terrain. En espérant qu’un empêchement « exceptionnel » de dernière minute ne viendra pas enrayer ses bonnes intentions et toutes ses ambitions…